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Prut – Matei Bejenaru

Matei Bejenaru

Prut

Vendredi 14 décembre 2018 au jeudi 24 janvier 2019

Vernissage Jeudi 13 décembre à partir de 18h

Commissariat : Bruno Elisabeth

 

L’histoire politique et le contexte social de la Roumanie sont des éléments fondamentaux et hautement structurants du parcours et de l’œuvre de Matei Bejenaru. Après des études d’ingénieur en électricité à l’école polytechnique de Iasi à la fin des années quatre-vingt, les événements de décembre 1989, qui conduisirent à la chute puis à l’exécution de Nicolae Ceaușescu, jouèrent un rôle majeur dans l’orientation de sa carrière. S’il se définit lui-même, à l’époque, comme un ingénieur peintre du dimanche, sa réponse à la révolution roumaine consistera à réévaluer son futur et à entamer des études à l’école des Beaux-arts de Iasi, dont il sort en 1996 pour entamer une œuvre protéiforme, au caractère ouvertement conceptuel et social qui s’exprime à travers les médiums vidéo, photographique et performatif. Le travail présenté ici n’est donc qu’un aspect de son travail. Si l’appréhension de son œuvre ne peut véritablement se faire qu’à la lumière de la variété de ses propositions, dont la série Prut n’est qu’un aspect, ce projet ouvert, au long cours, s’avère saillant, tout en s’écartant d’une démarche purement conceptuelle pour affirmer une dimension documentaire ethnosociologique.

Matei Bejenaru s’attache ici à faire le portrait d’une région rurale de la Roumanie, la rive roumaine de la rivière Prut, territoire situé à l’extrémité orientale de l’Europe. Depuis 2007 et l’entrée de la Roumanie dans la CCE, c’est donc à une double frontière que nous confronte Matei Bejenaru. D’une part la frontière nationale de la Roumanie, la séparant de sa voisine la Moldavie, d’autre part la frontière de l’Union Européenne. Dans ce regard porté à la frontière apparaissent ici les spécificités, les mutations et fractures du pays, au-delà de la Roumanie des villes, dans les villages et les campagnes. L’approche aussi objective que descriptive de Matei Bejenaru, tout en adoptant ce qu’il qualifie de dimension lyrique et poétique, au sens d’une extase artistique, d’une joie, d’un bonheur d’être là, présent au monde, nous livre des photographies tableaux[1]. Le statisme, l’arrêt induit par les choix techniques du grand et moyen format de la prise de vue, accentué par des tirages de très grand-formats nous permettent de saisir avec une acuité d’autant plus précise une étape de l’évolution de la Roumanie et de la mettre en perspective à l’échelle européenne.

Dans ce projet ambitieux, entamé en 2011, et conçu comme un « work-in-progress », si aucune méthodologie parfaitement établie ne s’est initialement imposée, des thématiques se sont progressivement dégagées et des objets d’attention particuliers, qualifiés d’index, ont progressivement émergé. Ceux-ci sont autant d’objets d’attention récurrents, menant à une reconduite régulière des prises de vues de certains objets, lieux et habitants, vers lesquels l’artiste revient, à la manière d’un observatoire, ouvrant par là même cette notion bien au-delà du seul paysage. En documentant les architectures et les paysages, le territoire et ses diverses activités économiques, les nouvelles pratiques sociales, le temps libre, l’église et la religion, l’école et l’éducation, il rend perceptible l’archaïsme et l’extrême pauvreté mais également les profondes mutations qui s’opèrent depuis l’entrée du pays dans la communauté économique européenne et qui dessinent notre futur commun.

 

Matei BEJENARU : https://www.mateibejenaru.net/

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[1] Jean-François Chevrier, James Lingwood, Une autre objectivité, Paris, Idea Books, 1989.

Exposition en partenariat avec la Saison France-Roumanie 2019